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Tenségrité et Relation : le lien subtil entre nos mouvements et nos échanges

La tenségrité (tension + intégrité) est l’idée que la stabilité d’une structure repose sur l’équilibre entre forces de tension et de compression. Rien n’est figé, tout est soutenu par des forces dynamiques et adaptables. Ce principe s’applique non seulement au corps dans les arts martiaux internes, mais aussi dans notre manière de nous relier aux autres.


La tenségrité dans le corps et les arts martiaux internes

Exemple du Taichi Chuan

Dans le Taichi Chuan, le corps est vu comme une structure vivante et dynamique. L’objectif n’est pas seulement de placer ses membres correctement, mais de cultiver un équilibre subtil entre relâchement et tension.
Dans le Gong Bu, le Pas d’arc, la compression des jambes dans le sol soutient la posture, tandis que le haut du corps reste léger, porté par une tension douce et dynamique. Chaque force complète l’autre, assurant une stabilité sans rigidité : un exemple concret de tenségrité.

Le rôle des fascias

Les fascias, ce réseau de tissus conjonctifs qui enveloppe muscles, os et organes, jouent un rôle central. Comme une toile d’araignée invisible, ils transmettent les forces de tension et de compression à travers le corps.
Dans les arts martiaux internes, cette capacité des fascias à diffuser les forces tout en maintenant souplesse et cohésion est essentielle. Travailler cette toile interne permet d’augmenter la fluidité, l’adaptabilité et la stabilité, créant une véritable unité fonctionnelle dans le mouvement.

Le Systema et la fluidité du corps

Dans le Systema, la tenségrité prend corps à travers quatre principes fondamentaux : respiration, relaxation, posture et mouvement. Le corps y apprend à rester fluide et réactif, capable d’absorber ou de rediriger une force extérieure sans se rigidifier ni se désorganiser. C’est une stabilité vivante, qui ne repose pas sur la fixation d’une position mais sur la capacité à se réajuster en permanence, en gardant ancrage et liberté de mouvement.

Au-delà de la mécanique corporelle, cette approche touche aussi la dimension émotionnelle et relationnelle. Sous pression, notre système nerveux tend vers la rigidité ou l’effondrement. Le Systema aide à réguler ces extrêmes en cultivant un état de disponibilité où l’adaptation prime sur la réaction. On retrouve ici des échos de la Théorie Polyvagale et de la CNV : accueillir l’autre, une situation ou une force, sans perdre son intégrité. La tenségrité devient alors un principe global, reliant corps, souffle, émotions et relations.


La tenségrité comme métaphore des relations humaines

La tenségrité n’est pas qu’un principe biomécanique : elle peut éclairer la manière dont nous entrons en relation.
Nos relations, comme un système en tenségrité, se maintiennent grâce à des ajustements subtils entre tension et souplesse.

Communication Non Violente (CNV) et ajustement relationnel

La CNV illustre bien ce principe : entrer en relation sans rigidité, écouter et comprendre l’autre sans être envahi par nos propres tensions ou jugements. Elle propose de s’ouvrir à ce que vit l’autre tout en restant ancré dans ses propres ressentis et besoins. Plutôt que de réagir immédiatement ou de se fermer, il s’agit de créer un espace où chacun peut exister pleinement, sans confrontation directe ni effacement de soi.

C’est une dynamique comparable à un échange martial : au lieu de résister frontalement à une force, on apprend à l’accueillir, à l’absorber, puis à la rediriger de manière constructive. La relation devient alors un jeu d’équilibre, une forme de tenségrité relationnelle où la souplesse et la fermeté se complètent. La CNV dépasse ainsi le cadre de la communication pour devenir une véritable pratique d’ajustement vivant, qui relie corps, émotions et interactions humaines.

Théorie Polyvagale et équilibre nerveux

La Théorie Polyvagale explique comment notre système nerveux régule en permanence nos états de stress et de sécurité en fonction de nos interactions. Selon la qualité de la relation, nous pouvons basculer vers la fermeture, l’hypervigilance ou, au contraire, rester dans un état de disponibilité et de calme. Une interaction équilibrée et respectueuse agit comme un signal de sécurité : elle permet à notre corps de relâcher la tension inutile et de s’ajuster plus librement à ce qui survient.

Le parallèle avec la tenségrité est évident : comme une structure vivante qui répond aux forces extérieures sans se briser ni se figer, notre système nerveux cherche en permanence à maintenir une intégrité dynamique. Trop de rigidité entraîne la rupture, trop de relâchement conduit à l’effondrement. Trouver ce juste équilibre, à travers nos échanges et notre régulation interne, revient à cultiver une stabilité souple et adaptative — un principe qui relie intimement le corps, l’esprit et la relation.


Un principe pour le corps et pour la vie

En résumé, la tenségrité nous enseigne à ne pas rigidifier ni relâcher excessivement.
L’équilibre, que ce soit dans nos mouvements ou dans nos échanges humains, naît d’une tension subtile permettant de rester à la fois forts et flexibles.

Dans les arts martiaux internes, cet équilibre favorise un mouvement fluide et stable.
Dans la vie quotidienne, il nous aide à ajuster nos relations pour maintenir des liens sains et harmonieux.

Ainsi, la tenségrité devient bien plus qu’une mécanique corporelle : un principe directeur pour nos interactions, soutenu par la biologie (Théorie Polyvagale) et par des approches comme la CNV.
Pour découvrir comment la théorie devient vivante, il suffit d’entrer dans la pratique.

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