L’Intention, l’Écoute, le Relâchement : une exploration
Sous le pinceau du peintre, chaque trait naît d’une détente profonde (Song), d’une écoute subtile du mouvement (Ting) et d’une intention claire avant même que la peinture ne touche le papier (Yi). Lorsque ces trois principes s’alignent, le geste devient inévitable.
Yi 意 – L’intention
Définition
Intention, attention, préconception ; « le plus léger des mouvements du mental dans l’éveil de l’intérêt ou dans la cessation de cet intérêt » (Grand Ricci).
Yi : diriger sans contraindre
Yi n’est pas une volonté brute. Ce n’est pas l’effort crispé de celui qui pousse contre le courant en espérant forcer la rivière.
Yi, c’est une attention claire, une orientation douce, qui guide sans contraindre.
- Dans son versant Yang, Yi trace un axe, une trajectoire.
- Dans son versant Yin, il se fait réceptif, il écoute.
Ce n’est pas une dualité mais un dialogue permanent : diriger tout en restant à l’écoute, écouter pour mieux orienter. La force du Yi est là : il ne s’impose pas, il répond.
Ting 聽 – L’écoute
Définition
Écouter, entendre, percevoir.
L’évolution du Ting
Pour écouter, il y a Ting. On commence par percevoir les évidences : tensions superficielles, déplacements visibles, poids du corps. Puis l’écoute descend plus profondément.
Ting, c’est une réceptivité totale : chaque cellule du corps est à l’écoute. On sent la qualité d’un mouvement avant qu’il n’apparaisse, une intention flottant dans l’air.
C’est s’écouter soi pour pouvoir entendre l’autre.
Ting est Yin par essence, mais il nourrit toujours l’action. Il ne reste jamais passif.
Song 鬆 – Le relâchement
Définition
Détendu, relâché, desserré, coulant.
L’expérience du Song
Song paraît simple : détendre, relâcher. Mais que, quoi relâcher ?
- D’abord les évidences : épaules, mâchoire, ventre.
- Ensuite plus profondément : les structures, les habitudes, les tensions intérieures.
Song n’est pas seulement physique. C’est un relâchement intégral, suspendu, où rien ne s’effondre mais où tout s’aligne.
Le corps devient léger, fluide, mais chargé d’une énergie prête à jaillir.
Un chemin d’équilibre
Ces notions se comprennent intellectuellement, mais les incarner est un tout autre chemin.
Il faut patience et régularité : sentir, relâcher, écouter, se confronter à ce qu’on ne voyait pas. Chaque étape demande du temps et de l’humilité.
À chaque palier franchi, on découvre plus profond, plus subtil :
- le Yi qui oriente,
- le Ting qui capte,
- le Song qui ouvre et équilibre.
Tout est tension et relâchement, action et réceptivité, direction et ouverture. Trop diriger, et on perd le lien ; trop écouter, et on se dissout ; trop relâcher, et tout s’effondre.
Alors on cherche cet équilibre mouvant. Parfois, tout s’aligne. Et cet instant suffit.
C’est pour cela qu’on pratique.
C’est pour cela qu’on revient.
Pour aller plus loin
Pour approfondir ces notions et leur étymologie, je vous invite à lire les écrits de mon professeur et ami Philippe Thiriot, dont la compréhension subtile et personnelle m’a beaucoup inspiré :